Dans son film social palmé à Cannes, Ken Loach, le (dernier) cinéaste gauchiste du Royaume-Uni, aborde le thème de la criminalisation des chômeurs, c’est-à-dire des pauvres. Dans le pays qui a inventé le libéralisme (relire John Law par Jovanovic), si on ne travaille pas, on entre dans un tunnel tapissé de pressions et d’humiliations.
Le miracle britannique a son revers : des services publics réduits à leur plus simple expression (essayez le métro de Londres, champion du monde des pannes intempestives), au milieu d’une capitale qui glorifie l’argent, avec la plus grande concentration de milliardaires plus ou moins honnêtes au monde.
La pauvreté y est rejetée loin des faubourgs, qui se gentrifient progressivement. Le pauvre donne une mauvaise image du libéralisme vainqueur. Le pendant des milliardaires, c’est évidemment l’explosion de la pauvreté, produisant un nouveau quart-monde, celui des aides sociales limitées (6 mois d’indemnités chômage maximum plafonnées à 400 livres sterling par mois, soit 466 euros, tandis que l’allocation contributive se monte à 65 euros pour les 16-24 ans, et 75 euros pour les plus de 25 ans) et des mois difficiles. Une société anglo-saxonne inégalitaire, mais au taux de chômage relativement bas, à l’image des salaires. Le film de Loach met en avant la famille d’un menuisier malade à l’approche de la retraite, qui subit la douloureuse loi des services sociaux.
Au Royaume-Uni, pour être précis, l’aide sociale du type RSA est plus faible qu’en France, et soumise à une enquête plus fouillée, mais les APL, ou aides au logement, sont plus fortes que chez nous. Les loyers y sont aussi particulièrement élevés. Ce qui explique la projection des pauvres hors de Londres, par exemple, même si les aides au logement peuvent atteindre des sommes importantes.
En conclusion, pour résumer les différences de manière brutale, si l’on vient en France pour les aides sociales presque automatiques, on va en Angleterre pour travailler.
France 2 a enquêté sur le système dénoncé par le réalisateur Ken Loach dans son film Moi, Daniel Blake, auréolé de la Palme d’or au festival de Cannes.
Beaucoup disent y aller la peur au ventre, comme on répondrait à une convocation du commissariat de police. Le « Job Centre » est l’équivalent britannique de Pôle emploi. Pour avoir le droit de percevoir des allocations, les chômeurs du Royaume-Uni sont soumis à un régime drastique de recherche d’emploi.
Il y a 31 règles à respecter. La première : passer 35 heures par semaine sur un site officiel à chercher du travail. Toutes les connexions et les clics sont enregistrés. Un jeune chercheur d’emploi qui n’a pas pu atteindre ce quota hebdomadaire a vu ses allocations coupées. « Je peux comprendre, mais si on me retire l’argent, comment fait-on pour vivre ? », demande-t-il.